Histoire du thé vietnamien
Dans de nombreuses régions de la campagne, les gens aiment à boire du chè xanh (thé vert ou thé frais): la feuille fraîche de thé bien nettoyée est mise à infuser dans de l’eau à peine frémissante. La boisson toute verte et servie dans de grand bols de faïence a un parfum très doux. Néanmoins, la variété de thé la plus répandue est celle des régions productrices renommées tels Thái Nguyen, Phú Thọ, Bảo Lộc (Lâm Đồng) préparée d’une façon artisanale pour donner du chè mộc (thé naturel, n’ayant subi aucune autre tranformation que le séchage), chè sao suốt (thé grillé longtemps - où les bourgeons de thé sont grillés à feu très doux dans une grande poêle jusqu’à dessèchement) ou chè móc câu (thé “hameçon” -dont les brins, après avoir été grillés et séchés, se recourbent comme un hameçon). D’aucuns disent que son nom exact n’est pas móc câu (hameçon), mais mốc cau (pruine d’aréquier) car la qualité de cette espèce se voit dans une légère efflorescence blanchâtre sur les brins, concrétion des essences qui s’exhalent et qui cristallisent à l’air, comme la pruine sur les spathes d’aréquier.
Depuis des temps reculés, les Vietnamiens savent parfumer le thé avec de nombreuses espèces de fleurs: lotus, jasmin, chlorantus, chrysanthème, champaca, etc. mariant parfum du thé et senteurs florales pour profiter ainsi de toutes les fragrances du ciel et de la terre. Chaque fleur offre au thé son arôme particulier, mais la plus originale est le lotus. La variété qui sert à parfumer le thé est spéciale et abondante dans les régions de Hà Nam et Hưng Yên. A première vue, elle ressemble tout à fait à d’autres espèces cultivées pour leurs graines, mais cachées par les grand pétales externes, une centaine de pétales plus étroits qui recouvrent les étamines, les anthères et le carpophore. Sur l’étang aux lotus, le soir, en petite barque, on s’approche des fleurs et on introduit à l’intérieur de chacune d’elles un petit sachet de thé en papier de riz. La nuit, la fleur se referme, emprisonnant le sachet de thé qui s’imprègne de toutes les effluves et forces vitales de la fleur. Puis, le lendemain, aux premières heures, le maître de maison n’a plus qu’à refaire sa tournée en petite barque pour faire sa cueillette. Pour agir sur une plus grande échelle, on cueille les anthères blanches au sommet des étamines, le gạo sen (riz de lotus), qu’on mélange avec le thé. On place le tout dans une enceinte hermétique pendant un ou deux jours, jusqu’au flétrissement du riz de lotus et on parfait le séchage du thé sur un feu très doux. Un seul kilogramme de thé nécessite une centaine de fleurs et un travail minutieux de plusieurs jours, ce qui explique son prix et sa valeur: ce produit de luxe n’est employé qu'à de grandes occasions pour marquer l'honneur que font les maîtres du lieu à leurs hôtes.